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    "J’ai voulu jouer avec la perception du spectateur" : rencontre avec la réalisatrice de Paula
    Vincent Garnier
    Vincent Garnier
    -Rédacteur en chef
    Depuis l’enfance, Vincent Garnier cultive un goût pour le cinéma français, qu’il soit populaire ou plus confidentiel. Parce qu’il est le reflet d’une époque et d’un état d’esprit. Parce qu’il accorde une place de choix au dialogue.

    Avec un premier film placé sous le signe de l'étrange, Angela Ottobah fait une entrée remarquée dans le cinéma français. Paula sort cette semaine dans les salles.

    AlloCiné : Paula est votre premier long métrage. Parlez-nous de votre parcours.

    Angela Ottobah : J’ai une formation de philo et d’ethnologie, mais j’ai compris en étudiant que commenter le réel, l’analyser, ce n’était pas mon truc. Alors j’ai bifurqué, j’ai d’abord réalisé un film avec des amis, qu’on a produit nous-mêmes. Et d’autres ont suivi, produits ceux-là. Du coup, j’ai appris le cinéma en faisant, ce sont les techniciens avec qui je travaillais qui m’expliquaient les règles, la méthode. J’étais à la fois naïve mais aussi libre du coup, de contourner certaines normes. Et j’ai essayé de m’accrocher à ça, d’écouter et d’apprendre tout ce que je ne savais pas et en même temps de garder une vision, une manière de faire qui n’avait pas été formatée.

    Votre film commence comme une utopie et se transforme lentement en cauchemar. Vous vous plaisez à brouiller les pistes, comme vous le faites avec le personnage incarné par Océan, par exemple.

    Oui j’ai voulu jouer avec la perception du spectateur. D’abord en glissant lentement dans un univers de moins en moins réaliste, j’ai joué avec les couleurs, les proportions, les angles de vue, les sons, pour que l’on ne sache pas si l’on est face à un cauchemar, une perception onirique, ou une réalité folle. Et je n’ai pas de réponse. Le film raconte une histoire qui est comme un conte, très symbolique, où le réel se cache derrière des personnages presque irréels, des figures au bord du grotesques. Comme le personnage de Bill. Avec Océan, on s’est beaucoup amusé à pousser loin les curseurs. On voulait que son personnage commence par faire peur, puis qu’il devienne ridicule et donc drôle pour au final nous décevoir, de manière tristement banale, par sa lâcheté.

    Aviez-vous des références en tête pour Paula ? On pense à Mosquito Coast (les moustiques en moins) et Shining en voyant votre film.

    J’ai vu beaucoup de films pendant l’écriture et la préparation de Paula. Je dirais que si je devais en retenir un seul ce serait Morse de Tomas Alfredson, qui raconte l’histoire d’une jeune enfant vampire qui rencontre un enfant humain. Paula est mise hors du monde par son père, comme la petite vampire, et toutes les deux aspirent à revenir dans le monde banal et rassurant des autres enfants.

    D'où vient votre jeune héroïne, Aline Helan-Boudon ?

    Le casting de Paula a été super long. J’ai rencontré beaucoup de petites filles, qui rêvaient de faire du cinéma. Ce qui m’a immédiatement plu chez Aline c’est sa force, et sa distance avec toute forme de séduction, j’ai su que l’on allait pouvoir travailler. L’idée n’a jamais été de lui demander de plonger dans son personnage, la direction d’acteur était assez mécanique, presque chorégraphique, je lui parlais pendant les prises, et elle allait jouer avec sa baby-sitter après. L’ambiance de travail était du coup assez joyeuse, on se moquait beaucoup du personnage du père, avec Finnegan (Odlfield) et avec elle, ça permettait de prendre de la distance avec la dureté des scènes, et ça a été super que ça se passe ainsi.

    Finnegan Oldfield fait une composition incroyable. Comment l'avez-vous dirigé ?

    De la même manière, l’idée n’a jamais été de lui demander de se fondre psychiquement dans son personnage. On a utilisé tous les artifices du cinéma. Le maquillage, les costumes, la lumière, les axes de caméra ont permis de construire un personnage de plus en plus terrifiant. On a tourné chronologiquement et c’était formidable parce qu’on a pu faire évoluer son personnage graduellement. J’ai choisi Finnegan pour tout ce qu’il dégage de très sympathique. Et on s’est dit, on va salir cette image, on va infiltrer du poison dans le personnage mais de manière imperceptible au début, par étapes. Et cette progression nous a permis aussi de pousser les curseurs vraiment loin à la fin, parce qu’on a habitué les spectateurs progressivement. C’était un travail de composition passionnant à voir et à accompagner.

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