Mon compte
    Mylène Farmer, "Timeless 2013" : les confidences du réalisateur du film [INTERVIEW]

    Après une tournée triomphale à guichets fermés et plus de 500 000 spectateurs à travers 4 pays, Mylène Farmer débarque dans plus de 200 salles de cinéma Gaumont-Pathé pour la diffusion exceptionnelle ce jeudi à 20h du film "Timeless". Nous avons rencontré à cette occasion son réalisateur, François Hanss, qui lève le voile sur ce projet unique et ambitieux, parfaitement à l'image de la star...

    Comment se sent-on à J-1 de la diffusion du concert au cinéma ?

    François Hanss : Bien parce que demain c'est l'aboutissement, le plaisir de découvrir le film en salles, dans un cadre idéal. C'est une séance unique donc on retrouve un peu l'ADN du spectacle vivant : ce plaisir d'être ensemble, dans un même lieu; cette idée qu'une émotion collective va naître. A titre personnel, c'est aussi la fin d'une très longue période de travail. C'est fantastique en tout cas, je n'imaginais pas que ça se passerait aussi bien (...)

    224 salles vont diffuser le spectacle. Il se passe d'ailleurs quelque chose d'extraordinaire au Pathé d'Orléans : depuis que la billeterie a été mise en place il y a trois mois, les ventes sont montées en flêche, du coup ce sont les 12 salles du multiplexe qui diffuseront Timeless. Juste Mylène Farmer. C'est unique !

    Comment regarde-t-on un concert au cinéma en tant que spectateur selon vous ?

    C'est une position étrange. Je crois qu'on a envie de partir dans l'énergie, le rythme de l'émotion suscitée, suivre le beat de la musique. Je pense que ça va bouger, mais ce sera sûrement très différent d'une salle à l'autre. Le public c'est une donnée magistrale mais mystérieuse en même temps.

    De quelle manière s'est déroulée votre collaboration avec Mylène Farmer sur ce film ?

    D'abord, vous imaginez bien qu'on ne montre pas le film à Mylène Farmer au dernier moment ! Tout se fait avec elle. Elle assiste à plusieurs étapes du montage. On bichonne le film ensemble du début jusqu'à la toute fin. Et ça c'est une réalité de travail que l'on a toujours eu sur nos collaborations passées, et plus que jamais sur Timeless. C'est un film qui s'élabore lentement, dès le début des premières ébauches de la scène.

    Moi, dans un premier temps, je me positionne en tant que spectateur. Je participe dans l'ombre aux répétitions, parce que j'aime ça et parce que ça fait partie d'une maturation autour du spectacle. C'est cerner le visuel, les angles, les axes. C'est observer la scénographie, les possibilités pratiques, devancer les éventuelles difficultés. C'est se familiariser avec l'équipe aussi.

    C'est à la Halle Tony Garnier de Lyon que le concert a été filmé. Pourquoi ce choix ?

    La salle a été choisie dès le départ par Mylène Farmer et son tourneur et manager Thierry Suc parce qu'ils avaient tout simplement envie de changer. Le Palais Omnisports de Paris-Bercy est une salle très idéale, mais on l'a déjà pas mal filmée lors des précédentes tournées. Et je dois dire que je n'ai pas du tout été déçu. J'adore la Halle Tony Garnier en tant que spectateur. Elle s'intégre bien dans le design de la scène donc on en a joué. Cet écrin, cette cathédrale de fer, éclairée au sodium, qui teinte le public de doré, c'est magnifique. Ce décor spectaculaire signé Mark Fisher au beau milieu de cette salle très en profondeur, c'était la promesse d'un jeu artistique intéressant sur le plan visuel.

    Pour l'entrée en scène de"Timeless", Mylène Farmer a opté pour le futurisme à mi-chemin entre "Star Trek" et "Stargate"

    ©Claude Gassian

    Un concert filmé se déroule-t-il différemment ou de la même manière qu'un autre qui ne l'est pas ?

    Le spectacle était identique chaque soir. C'est un respect minimum vis à vis du public. Les fans savent parfois avant l'heure que ce soir-là, on tourne. C'était le cas ici et c'est très bien ainsi. Mais dans un concert de Mylène, de toute façon, il y a toujours une forte présence et implication du public, que j'ai toujours espéré solliciter et engager à l'image. Je trouve que le public est un contrechamp extraordinaire. Et puis c'est un public extraordinaire ! Il est très large en terme de générations, il est jeune, rajeuni, donc à la caméra ils sont complices mais ils sont surtout avec elle. Mylène n'est jamais que le point d'attraction majeur. Ils oublient les caméras, qu'elles soient au-dessus d'eux, ou pointée sur eux.

    Quel était le dispositif technique mis en place ?

    Au plus fort du show, on a fonctionné avec 7 caméras, multipliées par 4 soirs, ce qui vous donne à peu près le nombre de points de vue, de positions idéales, auxquels il faut ajouter des plans plus anecdotiques avec de la GoPro, du 5D, des caméras fixées sur des grues... Une trentaine de caméras en tout ont été utilisées sur l'ensemble de la timeline.

    Comment avez-vous appréhendé le thème futuriste de ce show, différent des précédents ?

    Le film n'est que la traduction de ce qui est sur scène : les trapézes qui se forment, l'accelérateur de particules sur l'entrée, les robots...  La liturgie des images participe un peu du mystère. Je joue avec les robots, j'ai d'ailleus mis des caméras dans leurs têtes, il y a tout un rapport de complicité entre eux et Mylène que je voulais retranscrire... J'ai épousé le thème en l'affinant.

    Quels étaient les défis principaux de ce tournage ?

    J'avais très envie d'avoir le plus de plans possibles en présence scénique vers le public, ce genre d'images inédites que le public ne voit jamais, comme s'il était à la place de l'artiste. J'avais fantasmé d'être aux côtés de Mylène sur scène, travailler sur des silhouettes... c'était une envie de principe. Après il y a l'idée d'être dans la proximité, capter l'émotion, sachant que j'adore les gros plans.

    Le but c'est qu'il y ait un vrai plus pour celui qui a vu le concert en salles. Mais mettre en place une caméra sur scène, c'est toujours compliqué, notamment pour des raisons de sécurité. Puis il faut éviter que l'artiste ne soit embarrassé de sa présence. On a donc eu recours à diverses astuces, par exemple avec des caméras posées sur scènes mais camouflées pour que personne ne les voit.

    ©Nathalie Delépine

    Le précédent spectacle se déroulait au Stade de France. C'était une machine gigantesque. Est-ce que Timeless vous a semblé plus simple à réaliser ?

    Il y a un an, je pensais que oui, mais Timeless a bien caché son jeu ! Le plus gros défi pour le Stade de France venait du fait que l'on avait que deux dates pour tourner. C'était forcément stressant, pour elle aussi. C'était une surface inédite, gigantesque. La notion d'échelle était un problème majeur : on voit la scène comme un timbre poste en tant que spectateur. Timeless paraissait plus simple mais en réalité non. On a été plus amibitieux. On voulait faire un film encore plus proche, plus "humain", plus juste sur ce qu'elle est sur scène.

    Y'a-t-il eu un passage du concert plus compliqué à monter qu'un autre ?

    Les tableaux les plus denses ne sont pas forcément les plus compliqués. Mais un tableau avec chorégrahie est forcément plus soigné. On est en tout cas plus vigilants, tant sur la rythmique que sur la synchronisation. Mylène a un oeil redoutable je dois dire et c'est très bien ainsi. C'est elle qui est à l'image, qui danse, qui chante, après tout. Mais pour les chansons avec juste Mylène et son micro sur scène, plus une douche de lumières, c'est difficile aussi. Il s'agit de garder la tension, l'émotion, l'interprétation, la traduire en dehors du son, trouver le bon contrechamp...

    Je ne vous cache pas que sur des titres très ambitieux comme Désenchantée, où il y a la reprise du public, ça prend beaucoup de temps. Il y a un gros travail de dérushage, puis il faut choisir les images afin de souligner la montée en puissance. On remet les compteurs à zéro pour chaque chanson en fait, c'est en cela que c'est très compliqué et très long. Le montage ne se fait pas dans l'ordre. Mais on est plusieurs. On se répartit le travail selon les sensibilités de chacun. On se connaît bien, on a déjà presque tous travaillé ensemble. Les monteurs me font part de leurs préférences. L'un voudra faire Je t'aime mélancolie. Un autre Comme j'ai mal. J'aime laisser le désir prendre la main sur les choix.

    Laurent Boutonnat a-t-il participé lui aussi au montage ?

    On a démarré ensemble en co-réalisant le tout premier concert de Mylène en 1989 à Bruxelles, puis sur le deuxième à Bercy en 1995. En revanche, j'ai réalisé les suivants en solo, dont le dernier. On est très proches, très en phase. Je ne fais que suppléer à sa mise en scène, garder la cohérence qu'il a imaginée. Je gourmande ce qu'il a déjà mis en place avec Mylène.

    Que nous réservent les bonus présents sur le DVD et le BluRay qui sortiront le 16 mai prochain ?

    J'ai mis un point d'honneur à ce qu'il y en ait beaucoup ! Je voulais vraiment rendre hommage à tous ces gens qui ont travaillé sur le film pendant deux ans. Sur les lumières, le son, les constructions... Les bonus fonctionnent par thématiques. J'ai pris le temps de voir chaque département artistique, par exemple Jean-Paul Gaultier pour les costumes, dans son atelier. Il y a aussi un module sur les robots; c'était un élément du concert très attendu et à juste titre puique c'était une innovation, et le garçon qui s'en occupe est une personne passionnante. On verra aussi tout l'aspect backstage, les répétitions des danseurs, des musiciens...

    Et y verra-t-on Mylène, puisqu'elle apparaît peu en général dans les bonus ?

    Je pense que vous serez étonné ! (rires)

    En dehors des concerts, vous avez aussi réalisé des clips pour Mylène Farmer. Si vous ne deviez en choisir qu'un seul, lequel ce serait ?

    Le premier que j'ai réalisé : Je te rends ton amour. C'est le plus cher à mon coeur. J'ai été très séduit par le scénario de Mylène et impressionné et touché qu'elle me propose de le mettre en image. C'est une amie avant tout, j'adore travailler avec elle alors ma réponse était évidente !

    Il a suscité la controverse lors de sa sortie...

    Pour des raisons très obscures, oui... En vous levant le matin, vous ne vous dites pas "je vais faire de la provoc' aujourd'hui !" Ce n'était pas le but. Moi j'aime le beau, l'alliance du son et des images...

    Prévoyez-vous de réaliser un deuxième long-métrage après "Corps à corps" sorti en 2003 ?

    J'essaie depuis plusieurs années d'en monter un. C'est compliqué, d'autant que le premier n'a pas marché. C'est le succès le premier déclencheur en général. Mais je suis très attaché au film. J'avais des pistes. J'en ai d'autres. On verra...

    Et filmer Mylène dans un long-métrage, vous en rêvez ?

    Bien évidemment !

    Entretien réalisé par Jean-Maxime Renault le 26 mars 2014 à Paris

    Plongez dans notre saga "Mylène Farmer fait son cinéma" - Partie 1 : La papesse du clip / Partie 2 : L'échec du film "Giorgino" et les rendez-vous manqués / Partie 3 : Quand la star investit le grand écran

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top