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    Godzilla : sur le tournage avec l'équipe du reboot

    A quelques semaines de sa très attendue sortie en salles, "Godzilla" se dévoile grâce à Gareth Edwards et Bryan Cranston, l'un des acteurs principaux de ce reboot, que nous avons rencontrés sur le tournage.

    Plus que quelques semaines à patienter, avant que le Godzilla nouveau ne débarque dans nos salles, avec toute la destruction massive qui l'accompagne. Et tandis que la Bête n'est pas encore intégralement dévoilée, le réalisateur Gareth Edwards nous a présenté son approche sur le plateau de tournage, où nous l'avons rencontré.

    Allociné : Ce film semble être un bon de géant dans votre carrière.

    Gareth Edwards : Oui, c’est vrai que c'était un film assez énorme, dans tous les sens du terme, à réaliser. D’autant plus que j'avais vraiment la trouille de sauter sur un projet pareil, qui a pris 2 ans de ma vie à monter et tourner. L’important pour moi n’était pas de faire le plus gros film pop-corn mais un quelque chose d'intense, émouvant et viscéral. J'ai également tenté de faire quelque chose d'épique qui doit aussi vous effrayer et vous faire bondir sur votre siège.

    Le ton est d'ailleurs bien annoncé avec le teaser que l’on a pu voir un peu partout, avec ces soldats sautant dans le vide sur la musique de 2001 : c'est sérieux, moderne et angoissant. On est sans doute loin des Godzilla précédents, qui faisaient sans doute plus rire que peur. J’avais quelques craintes par rapport à mon approche vis-à-vis de Warner car j’avais peur que ma vision soit trop "Art & Essai", trop indé pour eux. Mais, au contraire, ils ont aimé et apprécié. Le film porte avant tout un regard sur une famille en pleine crise personnelle et qui est prise dans une catastrophe naturelle. Je crois qu'après avoir adoré mon film Monsters et compris mon approche realiste et noire pour Godzilla, Legendary et Warner m’ont fait entièrement confiance. On est loin de l’ambiance BD des Godzilla japonais en tout cas. Même si j’ai grandi avec eux et qu’ils ont un vrai charme, je voulais faire quelque chose de différent et faire ce bon de géant dont vous parlez.

    Et donc vous avez conçu un Godzilla vraiment different de ceux des films Kaiju japonais ? On est loin du Godzilla de Roland Emmerich ?

    (rires) J’adore le travail de Roland mais il n’était pas question de le copier ou le plagier. Pareil pour les films japonais. Je voulais trouver ma propre voie et ré-inventer Godzilla en quelque sorte. En fait, pour trouver la forme la plus effrayante de Godzilla - ce qui était l’idée pour faire peur avec ce film - nous avons cherché les traits qui rendent la bête la plus monstrueuse possible. Au départ nous avions des dessins de base de Godzilla qui ressemblaient un peu aux versions que nous avions déjà vu. Et puis en faisant des essais, en étirant un peu ses membres, en faisant éclater ses épines dorsales, petit-à-petit nous sommes arrivés à créer un monstre assez repoussant et effrayant. C’est tout un processus et il faut s’armer de patience.

    Cela nous a pris plus de 6 mois pour trouver l’aspect final de Godzilla. Parfois vous devez faire preuve de compromis, avec les regrts que cela suppose, dans le design de ce que vous entreprenez. Mais avec Godzilla, et sans doute parce que nous avions du temps et des moyens financiers, il n’a pas été question de compromis ni de regret. Le résultat final correspond à la meilleure version de mes rêves. Ce n’est vraiment pas façile de créer un Godzilla qui ne ressemble ni aux vieux films des années 50 ni à celui de Roland Emmerich d’il y a presque 15 ans, car ces interprétations nous ont marqués et sont à jamais tatouées dans notre subconscient. D’autant plus que, dans le cas des films japonais, il y a eu plus de 28 longs métrages et je les ai tous vus !

    "Un monstre totalement différent"

    Ce qui était important pour moi, c’était aussi de réaliser qu’il y a d'un côté les fans qui connaissent tout de Godzilla - notamment le fait qu’il a une haleine atomique - et de l’autre le plublic large et le jeune public qui n’a pas grandi avec ces films. J'ai donc eu carte blanche pour tenter de présenter une version différente de Godzilla, tout en gardant certains éléments d’origine. Il ressemblera donc toujours à une sorte de dinosaure, c’est incontournable. Mais quand on le verra de près, c’est un monstre totalement différent de ce que vous avez pu voir avant.

    Ma vision est aussi un hommage au Godzilla de 1954 en noir et blanc, qui montrait la dévastation du nucléaire au Japon. C'était le premier film qui en montrait les conséquences. Donc il y avait une relation évidente entre l’impact d’Hiroshima et le long métrage de l'époque. Dans notre film, il y a aussi une évocation des problèmes causés par le nucléaire, surtout après le terrible accident de Fukushima. La société Toho, productrice des Godzilla japonais, s’est vraiment impliquée dans le processus céatif sans jamais se mettre en travers de ma route et m’empêcher de faire ce que je tenais à faire. Au contraire, je pense qu’ils ont apprécié que je veuille donner une "deuxième vie" à Godzilla. Quelque part, cela les aide aussi à donner une nouvelle "jeunesse" au monstre.

    Pour rentrer dans les détails techniques, est-ce que Godzilla sera entièrement en images de synthèse, ou avez-vous créé des versions presque plus vraies que nature ?

    Si nous avions créé une vraie créature en taille semi-réelle, cela aurait sonné faux car il était impossible de lui donner la mobilité adéquate et naturelle. Nous avons donc entièrement créé Godzilla sur ordinateur et c'est une créature totalement digitale. Vous ne verrez ainsi pas de gros plan d’un pied articulé ou d’une mâchoire robotique. Ceci dit, nous avons toujours tenté de mettre les acteurs dans des décors naturels et non devant des fonds verts, et la créature a ensuite été rajoutée en post-production. A un moment, sans trop en révéler, où les acteurs sont dans un train attaqué par Godzilla : nous avons filmé les scènes avec les acteurs dans un vrai train lancé à pleine vitesse, car nous avons pu prendre le contrôle d’une voie ferrée et d’un train à Vancouver (Canada), où nous avons tourné le film. Et je pense que pour faire le plus "vrai" possible, il faut adroitement mixer les effets numériques et les pièces grandeur nature avec les acteurs, comme sur cette scène du train qui, je pense, vous marquera. En tout cas le résultat est le travail de plus de 1000 artistes pour autant d'effets numériques.

    Est-ce que le film sera très sanglant ?

    Disons que le nombre de personnes qui meurent dans le film est élevé, mais on reste dans la décence. Rien n’est supra-violent ou supra-sanglant. Godzilla n'est pas interdit aux mineurs : il y a donc de la retenue dans la violence. Suggèrer provoque parfois la même reaction, sinon plus, de dégoût, de peur et de panique. Le ton général est sombre mais nous n’avons pas poussé le côté malsain en faisant des gros plans de personnes écrabouillées avec les tripes à l’air ou de crânes qui explosent. C’est un film grand public à gros budget donc nous nous devons aussi de ne pas trop risquer la censure. Dans tous les cas, c’est plus un film d’action qu’un film gore.

    Quel a été le plus grand défi avec Godzilla ?

    Au-delà, justement, de tourner certaines scènes d’action incroyables, le plus dur a été pour moi d’articuler et de mettre en parallèle les histoires de chaque héros du film et l’action provoquée par Godzilla. Car pour rendre le film intéressant, il faut le rendre humain. Il faut, en tant que spectateur, pouvoir y croire et s'identifier aux personnages. Ce n’est pas une chose simple que de tisser une structure aussi complexe où l’on doit passer de scènes d'action pure à des séquences plus intimistes et émotionnelles.

    Le film a-t-il été conçu de façon à établir une franchise et donner naissances à des suites ? Une trilogie ?

    Bien sûr que l’idée est de tenter de lancer une série de films avec Godzilla comme personnage principal. Mais nous avons aussi tenté d’aborder celui-ci comme un récit se suffisant à lui-même. Je voulais vraiment qu’il y ait une vraie fin dans ce film et pas juste une ouverture vers une suite logique. J’ai d’autres idées en tout cas pour continuer la saga, si cet épisode a du succès.

    "Le rêve est devenu réalité"

    Comment expliquer cette fascination pour Godzilla ?

    Godzilla est une icône pour les enfants qui, comme moi, ont grandi avec les films japonais. A force de voir ces films étant petit, vous finissez par avoir envie de faire le vôtre. Et dans mon cas, le rêve est devenu réalité. Contrairement aux films japonais, ce Godzilla est plus un hommage aux films à suspense de Steven Spielberg et James Cameron. Je pense également que Godzilla, c'est un peu le tsunami, le tremblement de terre, par analogie avec la situation actuelle : celle d'une planète prise au dépourvu. Godzilla, c’est la mauvaise surprise engendrée par une nature en plein chaos, et c’est bien ce que nous traversons en ce moment, avec tous les dérèglements de l’environnement et les divers chocs économiques et géopolitiques.

    Selon vous, pourquoi y a-t-il une renaissance des monstres en ce moment, que ce soit avec votre film ou Bryan Singer et sa sa série "Creature Bay" ? Et où en êtes-vous avec la suite de "Monsters" ?

    Je crois qu’aujourd’hui, nous avons perdu toute peur d’un animal surgissant de nulle part et qui vient nous attaquer. C’est le prix du confort de la société. Et donc les monstres c’est cela : ce sont les animaux, les loups, ou les requins surgissant de nulle part et qui viennent nous surprendre, nous hanter, nous chasser. Je crois que nous avions fait le tour des autres peurs, que ce soient les vampires ou les fantômes, et maintenant c’est au tour des monstres de venir secouer notre petit quotidien si confortable.

    Quant à Monsters : Dark Continent, je ne suis que l’un des producteurs mais ce sera realisé par Tom Green qui a fait quelques courts auparavant. Le film est en post-production et je n’ai pas trop eu le temps de m’impliquer à fond dedans, étant donné le travail titanesque que j’ai dû assumer avec Godzilla. Disons que cela suit le précédent film, avec un soldat pénéntrant dans une zone contaminée à la recherche d’autres, portés disparus. Je laisse planer le mystère et vous découvrirez ce long métrage fin 2014.

    Venant du milieu indépendant, cela ne vous a pas trop fait tourner la tête de réaliser un film aussi gigantesque ?

    C’est vrai que ça donne le vertige que de passer d’une toute petite production avec quelques dizaines de personnes à Godzilla, où vous devez "diriger" quelques centaines de personnes. C’est un vrai champ de bataille que de tourner un film pareil. C’est titanesque et épuisant. Mais en même temps j’ai eu tous les jouets du monde pour réaliser le meilleur film possible, et ça c’est incomparable. En fait il faut savoir s’entourer des personnes clés, en qui vous pouvez avoir confiance comme le chef opérateur et le directeur de production, et il faut savoir déléguer sinon c’est impossible de tout gérer.

    Je me souviens être arrivé le premier jour de tournage, et d'avoir vu cet océan de camions, de machineries, de loges pour les vêtements, les maquillages et les acteurs, tous alignés les uns après les autres. J'en ai presqu'eu une crise cardiaque. C’est comme si j’étais à un Salon du Camion ! Je n’avais jamais vu ça de ma vie et c’est vrai qu’au fond de soi on panique un long instant. Puis les jours passent et cela devient presque normal. Le tout est de ne pas se laisser affliger par la pression du gigantisme auquel vous devez faire face, sinon vous n’arrivez plus à penser et à créer. Il faut donc trouver une force en soi pour oublier cette "folie des grandeurs" et tout relativiser. J'ai pendant longtemps eu du mal à apprécier vraiment ce qui m’est arrivé. C'est seulement vers la fin du tournage que j'ai réussi à prendre un vrai plaisir, car je savais que j’avais survécu à Godzilla. Je crois que c'est lorsque je vais retourner à des petits films independants que tout cela va me manquer (rires)

    Bryan Cranston

    A peine le temps de fermer le laboratoire de Walter White, que Bryan Cranston a dû filer sur le plateau de Godzilla. Après quelques apparitions à droite à gauche (Argo, Total Recall, Rock Forever...), l'acteur décroche ici son premier grand rôle post-Breaking Bad, le temps d'un film possédant quelques similitudes avec la série de Vince Gilligan. Si, si.

    Est-ce pour vous un film de monstres ou un film de personnages, avec leurs drames, un peu comme dans "Breaking Bad" ?

    Bryan Cranston : C'est une bonne question, car beaucoup de personnes me demandent en effet pourqui j’ai choisi de faire parti d’un tel film pop-corn après une série comme Breaking Bad. Pour moi, Godzilla n’est pas qu’un film de monstres. C’est avant tout une épopée humaine suivant plusieurs personnages avec tous leurs conflits intérieurs. En ceci, on se rapproche d'un drame tel que Breaking Bad, où les destins tragiques s’entrecroisent et convergent vers un final à la fois épique et fatal. Je joue ici le rôle d’un scientifique assez brillant, travaillant dans une usine nucléaire. Et soudaint, c’est l’accident qui va secouer ma famille, ma relation avec ma femme et mon fils. Il y a donc une forte relation père-fils, un peu comme dans Breaking Bad. C’est une situation délicate et pleine nuances.

    C’est amusant d’ailleurs que je sois retourné dans un laboratoire pour y jouer les chimistes dans Godzilla. Comme Breaking Bad, Godzilla est une histoire qui pourrait presque vous arriver et qui vous montre ce qui se passe quand l’homme joue à Dieu trop longtemps et que soudain tout se dérègle pour finir par créer des monstruosités au quotidien. Encore une fois, ce qui m’a attiré dans ce film, c’est la dimension humaine des personnages et leur parcours sous forme de grand huit, avec tous ces hauts et ces bas. Je crois que lorsque vous regardez ce film, vous avez certes un choc visuel avec des images explosives, mais également un choc émotionnel avec des vrais scènes intimistes et touchantes.

    "Une expérience nouvelle, riche et différente"

    Vous vous êtes lancé à corps perdu dans "Godzilla" ?

    Oui. Pas le temps de faire la moindre recherche et le lendemain du dernier jour de tournage de Breaking Bad on m’a mis dans un avions pour alller sur le tournage de Godzilla. Donc je n’ai pas eu le temps de faire des ajustements à mon rôle ou faire des recherches sur Godzilla. Mais comme tout le monde, je savais qui il était et j’étais vraiment intrigué par Gareth Edwards, ce jeune réalisateur dont j’avais beaucoup apprécié Monsters.

    Quelques mois avant le début du tournage, j’étais dailleurs en communication permanente avec lui pour lui faire part de mes idées sur mon personnage. Gareth adore collaborer avec ses acteurs, ce qui, sur le plan créatif, est très satisfaisant pour moi. La seule chose à laquelle j’ai dû m’adapter était le fait de ne pas pouvoir "jouer" face à la créature êtant donné que Godzilla est une création purement numérique. Mais après quelques scènes, on s’y fait et on laisse courir son imagination pour simuler l’interaction live avec la Bête. En tout cas ce fût une expérience nouvelle, riche et différente que de tourner ce film.

    Propos recueillis par Emmanuel Itier - Retranscription : Maximilien Pierrette

    Godzilla en action dans la bande-annonce :

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