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    Les reines d'Hollywood épisode 1 : Joan Crawford

    Au cours de l'histoire du cinéma, de nombreuses actrices ont marqué Hollywood, chacune laissant une trace toute particulière. Retour sur huit parcours de femmes hors du commun.

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    Episode 1 - Qu'est-il arrivé à Baby Joan ?

    Le 8 avril 1963, à l’auditorium de Santa Monica, Joan Crawford s’avance sur la scène d’un pas assuré, rayonnante. Elle vient recevoir l’Oscar de la meilleure actrice des mains de Maximilian Schell… au nom d’Anne Bancroft, qui remporte le prix pour sa performance dans Miracle en Alabama. Alors que sa rivale de toujours Bette Davis est nommée dans cette catégorie pour Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? où elles se donnent la réplique, Joan Crawford s’est arrangée pour convaincre toutes les concurrentes de Davis de venir accepter le prix à leur place, si jamais l’une d’elles remportait la statuette. Une sournoiserie de haut vol, à l’image de son auteure. Ainsi, elle devient la star de la soirée, au nez et à la barbe de son ennemie jurée, qui commentera plus tard : « J’étais sûre de l’avoir… Et évidemment, le fait que Miss Crawford ait obtenu l’autorisation de venir chercher la récompense pour toutes les autres nommées était pure folie. J’étais nommée, mais c’était elle qu’on acclamait. C’aurait rapporté des millions de dollars de plus au film si j’avais gagné. Joan était ravie que je ne gagne pas. »

    Avec ses grands yeux, ses sourcils épais bien dessinés, sa stature qui en impose et son regard noir, Joan Crawford en fait alors frémir plus d’un. Dans sa robe argentée créée par la costumière Edith Heard, la star âgée de 58 ans resplendit. Rien ni personne ne lui résistera.

    Née en 1905 au Texas, Lucille Fay LeSueur est issue d’un milieu modeste et d’une famille qui lui fait subir violences et humiliations. Aussi, encore toute jeune fille, elle se prend de passion pour la danse et le théâtre et adopte le pseudonyme de Billie Cassin : elle n’aspire qu’à fuir cet environnement difficile. Déjà sur les routes à l’adolescence, Billie est repérée par un responsable de la Metro-Goldwyn-Mayer et à moins de 20 ans, la voilà doublure de la star du studio Norma Shearer et rebaptisée Joan Crawford.

    Ambitieuse, elle tourne dans de nombreux films muets et côtoie les plus grands acteurs de l’époque. Dans L’Inconnu, de Tod Browning, elle partage l’affiche avec Lon Chaney. Elle fait naturellement de Norma Shearer sa première concurrente, n’hésitant pas à se plaindre du népotisme dont cette dernière, épouse du producteur Irving Thalberg, est prétendument bénéficiaire : « Comment décrocher un bon rôle quand Norma Shearer couche avec le patron ? », l’entendra-t-on dire. 

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    Louis B. Mayer la prend sous son aile et lui fabrique une image de marque : régimes, opérations pour redresser ses dents, transformation du style vestimentaire, tout y passe et c’est une nouvelle Joan que l’on retrouve désormais dans des films parlants. Habillée à la ville comme à la scène par Adrian, le créateur attitré de la MGM, elle est dans son personnage, glamour et sexy. Son mariage avec Douglas Fairbanks Jr., fils du célèbre acteur à la fine moustache, lui ouvre les portes du domaine de Pickfair (du nom de Mary Pickford et Douglas Fairbanks, donc) et elle fréquente tout le gratin du petit milieu du cinéma hollywoodien. 

    Au cours des années 1930, elle trouve en Clark Gable son partenaire idéal à l’écran : le duo fonctionne à merveille et ils tournent au total huit films ensemble, on leur prête même une liaison. A cette même période, elle fait partie avec Katharine Hepburn et Greta Garbo de la liste des comédiens qu’on qualifie de « poison du box office » : ces acteurs qui coûtent un bras, mais qui ne rapportent pas assez d’argent. C’est George Cukor qui lui donne l’occasion de regagner la confiance du public en lui offrant un rôle en or dans son film Femmes. Divorcée, puis remariée, puis divorcée à nouveau, Joan Crawford adopte son premier enfant comme mère célibataire : Christina. Mariée entre-temps à l’acteur Philip Terry, Crawford adopte un second enfant, Christopher, que sa mère biologique demande à reprendre. Le couple adopte un autre garçon, Philip Terry Jr, qui devient à son tour Christopher après que le divorce est consommé, quelques temps plus tard. Au même moment, Joan Crawford divorce de la MGM, qu’elle quitte pour la Warner. 

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    Et c’est avec Warner Bros. qu’elle décroche l’un des plus beaux rôles de sa vie, celui de Mildred Pierce. Le premier choix du studio est alors Bette Davis, qui refuse. Un retour retentissant pour Crawford, qui retrouve le feu des projecteurs et remporte l’Oscar pour son interprétation magistrale de mère prête à tout pour hisser sa fille en haut de l'échelle sociale. Un étonnant contre-emploi, quand on sait que quelques années après sa mort, sa fille Christina publie Maman très chère, livre biographique dans lequel elle décrit la comédienne comme une mère abominable, cruelle, plus intéressée par sa carrière que par ses deux premiers enfants. Par ailleurs, le livre est vite adapté au cinéma, avec Faye Dunaway dans le rôle de Joan Crawford. Si les deux autres filles de la comédienne ont toujours réfuté les propos de Christina Crawford, d’autres témoignages ont corroboré ses dires. 

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    Après Le Roman de Mildred Pierce, s’en suit une série de succès commerciaux qui conduisent la star à quitter la Warner pour devenir indépendante. Elle fait des choix audacieux, dont le meilleur exemple reste le western féministe de Nicholas Ray : Johnny Guitare. Elle y incarne avec force Vienna, la tenancière d’un saloon maîtresse de Johnny, indépendante et passionnée. Juste après ce film sublime, Joan Crawford épouse le président de la firme Pepsi-Cola, dont elle devient l’égérie. A la mort de ce dernier, elle hérite de la compagnie et devient membre du comité de direction, où elle siège pendant près de 15 ans.

    Son dernier grand rôle est celui de Blanche Hudson dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?... avec Bette Davis Le choc des légendes, la boucle est bouclée. Robert Aldrich commentera : « Il semble juste de dire qu’elles se détestaient vraiment, mais elles se sont comportées de manière irréprochable », les deux femmes sachant combien le film est important pour leur carrière respective. Les actrices doivent par ailleurs se retrouver pour une nouvelle collaboration, le film Chut, chut… Chère Charlotte, mais Crawford se fait rapidement porter pâle, remplacée au pied levé par Olivia de Havilland, la grande amie de Davis. Progressivement, elle se retire de l’industrie, se cantonnant à jouer dans quelques séries B sans grande envergure. Le 23 septembre 1974, elle fait sa dernière apparition publique, à une soirée en l’honneur de son amie Rosalind Russell. Fâchée par les photos d’elle parues dans les journaux le lendemain, elle décide de se retirer de la vie publique : « Si c’est à ça que je ressemble, alors ils ne me verront plus du tout. » 

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    Alcoolique, malade, Joan Crawford s’éteint à New York en 1977. Aujourd'hui, la légende demeure et Joan Crawford reste dans les mémoires comme l’un des visages les plus marquants de l’âge d’or hollywoodien. Et si l’image sévère de la comédienne a été immortalisée par Walt Disney sous les traits de la méchante reine de Blanche-Neige, on se souvient aussi que Hollywood est une machine à faire et à défaire des stars et que dans un milieu d’hommes régi par les hommes, Lucille devenue Billie, puis Joan, a marqué l’histoire du cinéma de son talent et de son regard ineffaçable, traçant le chemin d'une femme indépendante, un chemin à la hauteur de ses ambitions. 

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