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    Les reines d'Hollywood épisode 8 : Bette Davis

    Au cours de l'histoire du cinéma, de nombreuses actrices ont marqué Hollywood, chacune laissant une trace toute particulière. Retour sur huit parcours de femmes hors du commun.

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    Episode 8 - Bette Davis, l'insoumise

    « Mon histoire favorite sur la direction d’acteurs concerne Monsieur Wyler. Il ne disait jamais rien. Ça me rendait folle. L’acteur a besoin de savoir s’il plaît à son metteur en scène. Au bout d’une semaine de tournage, je suis allée le voir et je lui ai dit : "Monsieur Wyler, j’aimerais vraiment savoir si je joue comme vous le désirez." "Ah, je vois !" a-t-il répondu. Et le lendemain, après chaque prise, il applaudissait frénétiquement en criant : "C’est merveilleux, c’est merveilleux !" Je lui ai demandé ensuite de revenir à sa "première manière", car celle-là ne me convenait pas du tout ! (rires) Il ne donnait aucune indication de jeu. » Bette Davis avait la réputation de ne pas particulièrement apprécier s’entendre dire de quelle façon elle devait jouer et finalement, cette manière qui la rendait folle était peut-être celle qui lui convenait le mieux, et c’est avec William Wyler qu’elle a entretenu la collaboration la plus fructueuse. 

    Ruth Elizabeth Davis naît en 1908 dans la banlieue de Boston. Ses parents divorcent alors qu’elle a une dizaine d’années. « Lorsque mon père est parti, avec ma mère et ma sœur, nous étions les trois mousquetaires, c’était nous contre le reste du monde », expliquera-t-elle. Sa mère, photographe, fait alors tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir ses filles à un niveau d’éducation équivalent à celui que leur père aurait pu leur offrir. Elle fait ses débuts au théâtre pendant ses études et suit des cours d’art dramatique et des cours de danse avec la chorégraphe Martha Graham à New York. C’est en référence au roman La Cousine Bette, d’Honoré de Balzac, qu’elle change son nom pour Bette Davis.

    Elle intègre en 1928 la troupe de théâtre de George Cukor et fait bientôt ses premiers pas sur les planches de Broadway. « Les acteurs sont des gens qui ont fait ce métier parce qu’ils ne se supportaient pas », déclarera l’actrice, décrite par ses proches comme un mélange d’égocentricité et de manque de confiance.C’est là qu’un chasseur de têtes d’Universal Pictures la repère et elle tourne son premier film, The Bad Sisters, en 1931. Elle tourne peu et son contrat n’est pas renouvelé, elle retourne donc à New York pour se produire sur scène. C’est à ce moment que le comédien George Arliss, l’un des acteurs phares de la Warner à l’époque, la contacte par téléphone pour lui proposer un rôle à ses côtés dans L’Homme qui jouait à être Dieu. Pendant 10 minutes, Bette est persuadée qu’un ami essaie de lui faire une plaisanterie. Il insiste, amusé, et elle finit par le croire et accepter. Arliss écrira dans son autobiographie : « Je ne m’attendais qu’à une modeste prestation, mais ce petit rôle se transforma en une création vivante, profonde (…) communiquant émotion et passion. C’était un talent qui ne pouvait rester longtemps dans l’ombre. »

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    En 1932, elle épouse un amour de jeunesse, Harmon Oscar Nelson. A la Warner, elle signe un contrat de 7 ans - elle y restera 16 ans au total. Elle tourne énormément, c’est un véritable bourreau de travail, mais il lui est excessivement difficile d’accepter les règles du studio, et notamment de ne pas choisir les films dans lesquels elle joue. Par ailleurs, Jack Warner ignore toutes ses demandes. En 1934, on lui offre la possibilité de jouer Mildred dans le film L’Emprise. Personne ne veut du rôle de cette femme particulièrement antipathique. Bette, au contraire, s’enthousiasme à l’idée de prêter ses traits à ce personnage intense et atypique. Elle harcèle le patron de la Warner qui finit par accéder à sa requête et la prête à la RKO. Malgré l’approbation de la critique, le film ne trouve pas son public. C'est avec L'Intruse, deux ans plus tard, que la jeune femme de 28 ans trouve la consécration, couronnée par l'Oscar de la meilleure actrice.

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    Malgré cette récompense, les frères Warner continuent à lui refuser de nombreux rôles tels que celui d’Elizabeth Ière dans Mary Stuart, auquel elle tient particulièrement. Allant de déception en déception, Bette claque la porte et part pour Londres. Jack Warner ne l’entend pas de cette oreille et lui intente un procès, qu’elle perd. Toutefois, dans l’histoire, elle gagne le respect du patron du studio, qui lui rembourse les frais du procès, et surtout réalise enfin l’or qu’il a entre les doigts. « Un acteur qui n’ose pas se faire d’ennemis devrait quitter la profession », dira-t-elle alors.  Quelques années plus tard, Olivia de Havilland, l’une des plus proches amies de Davis, fatiguée de se voir assigner des rôles sans intérêt sans pouvoir les refuser, au risque de voir son contrat suspendu (donc, rallongé d’autant), attaque à son tour le studio et remporte son procès.

    A son retour à Hollywood, Bette Davis tourne dans Femmes marquées avec Humphrey Bogart et joue également aux côtés d’Henry Fonda (Une certaine femme) et son amie Olivia de Havilland (L’Aventure de minuit). Après une série de rôles écrits sur mesure pour elle, elle refuse celui de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent, estimant qu’Errol Flynn, qui doit alors interpréter Rhett Butler, n’est pas à la hauteur. Avec L’Insoumise, superbe mélodrame avec également le Sud pour toile de fond, commence sa collaboration avec William Wyler, avec qui elle a une aventure assez brève. A la fin du tournage, son père décède d’une crise cardiaque. Très affectée, elle regrettera toujours de n’avoir jamais réussi à gagner son estime. Sa performance dans le film est saluée, le public se déplace en masse et l’Académie lui décerne son second Oscar de la meilleure actrice. Bette Davis devient Queen B. avant Queen B

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    Elle tourne alors ses rôles les plus marquants. Elle considère Victoire sur la nuit, dans lequel elle incarne Judith Traherne, une jeune femme atteinte d’une tumeur au cerveau, comme son plus grand film. Elle se montre également magistrale dans La Vie privée d’Elizabeth d’Angleterre, de Michael Curtiz, et se voit nommée de nombreuses fois à l’Oscar de la meilleure actrice. William Wyler la dirige à plusieurs reprises, souvent dans des rôles de femmes manipulatrices, dans La Lettre ou La Vipère : « Pourquoi je joue aussi bien les garces ? Parce que je n’en suis pas une. C’est sans doute pour ça que Joan Crawford joue toujours des dames respectables », commentera-t-elle en référence à son ennemie de toujours. Par ailleurs, le dernier film qu’elle fera avec la Warner, réalisé par King Vidor, s’appellera en version française La Garce.

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    Divorcée de Nelson en 1938, elle rencontre en 1940 Arthur Farnsworth, qui devient son mari. Il décède brutalement trois ans plus tard après s’être évanoui dans la rue. L’autopsie révèle que sa chute est due à une fracture et un traumatisme crânien remontant à deux semaines. Très perturbée, la comédienne est invivable sur les plateaux. Elle devient la première femme présidente de l’Academy of Motion Picture Arts and Science (l’Académie des Oscars), mais ses propositions radicales et son autorité déplaisent et elle démissionne rapidement. En 1942, elle fonde et dirige la Hollywood Canteen, un organisme d’aide aux combattants de la Seconde Guerre mondiale, et s’y investit corps et âme. Elle y fait la connaissance de William Grant Sherry, un Marine qu’elle épouse en 1945 et avec qui elle a son premier enfant : après la naissance de Barbara (qui porte le nom de sa sœur), en 1947, elle interrompt sa carrière pendant un an et demi.

    Le retour sur les plateaux est rude pour Bette, qui peine à retrouver des rôles à sa mesure. En 1950, alors qu'elle est enfin libérée de la Warner, Joseph L. Mankiewicz lui propose le rôle magnifique de Margo Channing dans Eve, que beaucoup jugent comme sa plus belle performance. Elle divorce une nouvelle fois et s’unit à Gary Merill, son partenaire dans Eve. Ensemble, ils adoptent deux enfants, Margo – en hommage à son personnage – et Michael. On diagnostique à la petite fille un retard mental et elle est placée en institution spécialisée. 

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    En 1960, Bette divorce de Gary Merill après dix ans de mariage. L’année suivante, sa mère, de qui elle était très proche et qui l’avait soutenue tout au long de son parcours d’actrice, meurt. C’est un nouveau déchirement. Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, de Robert Aldrich, relance sa carrière. Elle y partage l’affiche avec son ennemie jurée, Joan Crawford. Les deux femmes se détestent littéralement et la collaboration n’est pas simple. Alors que Bette Davis espère recevoir son troisième Oscar, Crawford s’arrange avec toutes ses concurrentes pour accepter le prix en leur nom et s’avance donc à la place d’Anne Bancroft, sous le regard consterné de sa rivale. 

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    L’actrice continue dans le film de genre, avec Chut Chut, chère Charlotte (où elle doit à nouveau se confronter à Joan Crawford, qui abandonne le tournage, remplacée au pied levé par Olivia de Havilland) et Confession à un cadavre. Elle s’éloigne petit à petit du grand écran et joue pour le théâtre et la télévision. En 1985, Barbara, dite  « B.D. », la fille aînée de Bette, publie un livre assassin sur sa mère. Cette dernière est dévastée, victime peu de temps avant d’une attaque l’ayant grandement diminuée physiquement, et la démarche de Barbara est durement critiquée. De plus, ses propos sont vivement contestés dans l’entourage de la comédienne, et Michael, le fils de Bette, coupe définitivement tout contact avec sa sœur. « Elle aurait pu attendre que je sois morte », confiera tristement l’actrice. C’est aux côtés d’un autre monstre sacré du cinéma hollywoodien, la star du muet Lillian Gish, qu’elle jouera son dernier grand rôle, dans Les Baleines du mois d’août, en 1987, avant d’être emportée par la faucheuse deux ans plus tard.

    « Je ne veux pas particulièrement être aimée, j’aimerais être comprise », disait Bette Davis. Bette Davis l'incomprise, l'insoumise, actrice de sa propre légende et de la légende d'Hollywood. 

     

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