Et Gareth Edwards réinvente le film de monstres tout en rendant un vibrant hommage au plus célèbre lézard de l’histoire du cinéma !
Le physicien nucléaire Joseph Brody enquête sur de mystérieux phénomènes qui ont lieu au Japon, après qu’un incident ait irradié la région nippone. Refusant de croire la version officielle qui évoque un séisme, il découvre que les incidents ne sont pas liés à une catastrophe naturelle, mais à un monstre réveillé par des essais nucléaires dans le Pacifique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : Godzilla !
Gareth Edwards ! Retenez bien ce nom car cet homme n’a accompli rien de moins qu’un miracle ! A l’instar d’un Sam Mendes ayant participé à la renaissance de James Bond avec Skyfall, Gareth Edwards a tout simplement rendu un vibrant hommage au plus célèbre lézard du cinéma en livrant un long-métrage qui ringardise celui de Roland Emmerich tout en établissant sa domination sur le film de monstres ! Mais afin de comprendre l’ampleur du miracle, un petit retour en arrière s’impose afin d’expliquer le contexte de la création de la créature, qui s’établit à mi-chemin entre respect d’une culture ancestrale et forte attache historique.
Godzilla, 1er du nom voit le jour au Japon en 1954, dans un Japon d’après-guerre encore meurtri par les bombardements et l’inhumanité des troupes américaines, responsables de ce désastre nucléaire. Alors conséquence des bombardements, le lézard géant, par son existence parvient à cristalliser la forte attache du Japon a sa culture des monstres et des divinités (Kaijū Eiga), tout en dressant une peur manifeste du nucléaire. De plus, Godzilla illustre à merveille l’arrogance de l’homme, qui de par ses avancées technologiques croit pouvoir dompter la Nature, alors que c’est bien évidemment l’inverse.
Face à ce matériau de base, Edwards se retrouvait devant un dilemme : assurer la continuité de l’héritage du film japonais tout en revendiquant un style différent ; ou bien à l’instar de Roland Emmerich, se saisir de cette figure iconique et la transformer en une bébête américaine, croulant sous un déluge d’effets visuels et pyrotechniques.
Et à l’heure ou Guillermo Del Toro et son Pacific Rim, engoncé par son désir d’hommage à la culture nippone et son désir d’en faire un blockbuster ample et débridé, semblait l’erreur à ne pas réitérer, Gareth Edwards parvient à transformer l’essai en parvenant à affirmer une continuité de son style sans dénaturer le matériau d’origine.
Un style qui a déjà tenu en haleine les fans de son premier film, Monsters, par sa très grande humanité, et sa dignité. Son approche humaine, qui n’est pas sans rappeler celle de Spielberg, est alors clairement visible dès le générique de début, qui dresse par le biais de soi-disant images d’archives et dossiers secrets, l’existence de Godzilla, et ce toujours sous une vision à hauteur d’homme. Ainsi, point de représentation totale du monstre, mais seulement quelques écailles, une trainée dans l’océan, des compteurs sismiques qui déconnent.
Cette volonté d’en dévoiler le moins possible permet alors, tout en rendant un bel hommage à Steven Spielberg et ses Dents de la Mer, de sacraliser et d’élever au rang de Dieu des monstres, Godzilla, le tout dès la première fois où il est nous est permis de le voir. Et là encore, Edwards ne s’adonne pas à une sorte de frénésie de la représentation, car, à travers sa réalisation angoissante, celui-ci cherche en permanence à rendre immense le roi des monstres, en nous donnant à voir tantôt une patte, tantôt le cou, tantôt la queue.
Cette faible présence du monstre, marquée par de nombreuses scènes ou sa présence est davantage supposée qu’explicite, apparait de manière paradoxale comme salvatrice. En effet, en ménageant la surprise, Edwards parvient à insuffler dans sa mise en scène une tension et une angoisse constante, qui irradie chaque scène quand bien même le monstre en est absent.
Et au milieu de ce déluge d’acier et de radioactivité, le réalisateur surprend tout le monde en insufflant une réelle profondeur à son film grâce à l’autre atout de son film : ses personnages ! Campés par des acteurs très éclectique tels que Juliette Binoche, Bryan Cranston, Ken Watanabe ou encore Aaron Taylor-Johnson, ils reflètent avec brio le statut de spectateur, déjà issu du film original et qu’Edwards a su fidèlement retranscrire à l’écran. Car à l’inverse de l’héroïsme dégoulinant, présent dans la version d’Emmerich, Edwards dresse ces hommes et ces femmes, aveuglés par leur arrogance et leur soi-disant toute puissance, comme les spectateurs des chimères qu’ils ont engendrées. Sans défense, seuls, ils sont, par plusieurs fois, confrontés à la mort telle la scène du saut en parachute, qui fera date.
Toutefois, ce statut de spectateur apparait ici comme le point noir du film, tant certains personnages disparaissent de manière trop subite et relèguent les bons acteurs les interprétant à une quasi figuration !
Fort heureusement Edwards arrive à se distinguer des autres blockbusters, en restant très humain dans le découpage de ses scènes de destruction massive. Ainsi point d’égarement sur des immeubles détruits, sur des foules systématiquement tuées ou autre chaos ambiant y régnant. Sa mise en scène préfère considérer les humains comme des dommages collatéraux, préférant ainsi faire ressentir l’horreur à ses spectateurs qu’à en jouir de manière perverse.
Et après le festival d’émotions se répercutant à travers le film, Edwards abandonne l’angoisse pour la remplacer par un profond sentiment de jouissance et d’euphorie lorsqu’arrive le « choc des titans », combat arrivant à combiner le délire d’un Pacific Rim, les prouesses visuelles d’un Transformers et la puissance de feu du lézard japonais pour un défoulement pyrotechnique et sonore rarement vu au cinéma.
En plus de ça, Edwards pour clore son délire de réalisation, a la très bonne idée de nous laisser avec une vraie fin ne laissant pas de places a des suppositions concernant une hypothétique suite, en dressant le plus célèbre lézard du cinéma en une créature incarnant à la fois le sauveur, le vengeur le destructeur et l’icône !