Abasourdi. L'écran noir tombe sur la séance et j'ai la furieuse sensation de m'être fait arnaqué. Par les critiques d'abord parce qu'il faut une sacré complaisance pour qualifier de "poignant" un film regorgeant de scènes aussi mièvres, une bonne dose de masturbation intellectuelle pour qualifier un scénario pompé de "sacrément travaillé" et même de la malhonnêteté pour trouver ce film "hilarant". Heureusement, la note des critiques spectateurs se chargent de donner un avis plus objectif. Quand je lis que Camille Redouble est un "modèle d'inventivité"... Le scénario est signé Coppola, les personnages (parents, amis, profs) sont des stéréotypes ambulants, les scènes hollywoodiennes (la boum, la première fois au lit, le 1er baisé, la bague magique...) et les relations utilisées (amour parents/fille, amitié entre copines, ambigüité élève/prof) ont déjà étés explorées 100 fois. On subit cette histoire longuette, esthétiquement très laide, et parfois moralement dérangeante. Alors que la plupart des passages se sont contentés de m'ennuyer, voir de m'interroger sur les choix de réalisation (la différence d'âge entre Camille et Eric qui nous a tous fait croire qu'elle se faisait sortir de son appart par son fils, la sortie de classe par la fenêtre...) certaines scènes m'ont singulièrement mises mal à l'aise: les gesticulations lubriques de Louise à la piscine, sa décision si elle pouvait revivre sa vie, l'apologie de la cigarette, le fait que le prof de 45 ans finisse par embrasser une mineure de 16ans, la tentative de Camille de se taper un gosse de 15ans. Et je n'ai vu dans le passage où Josepha apprend qu'elle va devenir aveugle que la volonté d'introduire artificiellement un mélo qui trouve sa fin en soi. On n'apprend rien d'autre sur ce personnage, elle a zéro trait de caractère ! Et puis je ne me suis absolument pas attaché à l'héroïne, j'étais pourtant plein de volonté et voulait sincèrement croire dans cette cinquantenaire à jupette mais sincèrement on ne m'a pas aidé. Actrice ratée, alcoolique, dépressive et en plein divorce ça fait beaucoup pour une héroïne dont la seule explication serait la perte de sa mère à 16 ans, franchement on est beaucoup a avoir connu pire. Et si j’admets qu'il fallait du courage pour imposer une héroïne de cet âge et aussi éloignée des standards de beauté il n'y avait aucune justification à la rendre aussi stupide. "Je regrette tellement que ma mère n'ait pas su que j'étais enceinte à 16ans..." Je dois manquer de coeur mais l'enregistrement de la voix de sa mère, la chanson en famille, les "jurez moi de jamais mourir" j'ai trouvé ça d'un mièvre ! Les descriptions du baiser sous le lampadaire d'un culcul ! On dirait du mauvais Walt Disney. Cela part d'une bonne idée (capturer des moments précieux mais perdus) mais la traduction à l'écran ne fonctionne pas. Du coup on patine, on flatte les nostalgiques d'années 80 complètement fantasmées (les étudiants ne citaient pas plus du Rouge et le Noir qu'aujourd'hui) et les souvenirs confus des spectateurs au cerveau ramolli par des caricatures faciles. Le personnage d'Almaric aurait sa place dans un Prime Time sur Gully, le prof de théâtre dans une série pour ado. Une fois encore on est dans le mythe d'un âge d'or qui n'a jamais existé. Dernier point noir: la BO, et je le dis d'autant plus facilement que je suis Gaétan Roussel depuis le 1er Louise Attaque en passant par Tarmac et l'album solo, mais on subit ici une variétoche indigne qui a le mérite de ne dépareiller pas parmi les daubes d'époque. Et ce n'est pas parce qu'elles sont signées Apollinaire que les quatre lignes "si j'avais un dromadaire" ne sonnent pas ridicules. Tout ça pour conclure sur une fin aussi ratée: "J'ai plus qu'à commander l'addition" ben nous aussi mon con c'était 11euros et une soirée gâchée. Ce film qui permet de s'interroger sur nos choix passés et l'opportunité de les changer si on le pouvait nous apporte une réponse claire. Si on avait le choix, on ne retournerait pas voir Camille redouble !