Il y a des choses que l’on montre peu au cinéma et qui mériteraient de gagner en visibilité. La vie dans les foyers en fait partie. Et croiser les points de vue pensionnaires/encadrants, pourquoi pas. Le scénario de States en Grace tient sur ces piliers, malheureusement aussi fragiles que les destins qu’ils illustrent. Car pour que le film soit cohérent, il faut que les trajectoires de vie se croisent, s’entremêlent, se nourrissent les unes des autres.
Que les problèmes auxquels sont confrontés les enfants de foyer soient liés à des parents abusifs, OK.
Que l’intégralité des problèmes du personnel encadrant (sauf Nate, petit bourgeois sans problème que le scénario ostracise justement pour cette raison) y trouve également sa source, c’est tout de suite moins fin.
Surtout qu’à part ça, tous les personnages adultes sont drôles, intelligents, sensibles, minces, beaux et charismatiques.
Cette faiblesse révèle un scénario beaucoup trop naïf, dans lequel tous les « gamins à problèmes » sont doués d’un potentiel artistique sans limite, et peuvent s’en sortir si on veut bien leur en donner la chance. De la même manière, il aurait été intéressant d’insinuer que les inégalités économiques et sociales sont à la source du désespoir et de la folie dont ces enfants sont victimes. Mais non, rien de tout ça : les parents abusifs sont totalement absents du film, et sont désignés comme les véritables forces oppressantes de l’enfance.
Enfin, il y a un réel problème dans la réalisation, à la fois moche et esthétisante. Moche, car le choix de la caméra à l’épaule conduit à une image branlante qui donne la gerbe. Esthétisante, car le réalisateur en fait trop : non, des enfants de 14 ans ne regardent pas des films des années 30 en noir et blanc.
Malgré tout, le film n’est pas à enterrer totalement. On sauvera les jolis plans fixes et le choix de couleurs, jaunes, arides, qui tranchent avec une ambiance (trop) humaine et chaleureuse. Les acteurs, dont c’est pour la plupart le premier grand rôle au cinéma, sont relativement époustouflants. Evidemment, mention spéciale à Brie Larson, remarquée récemment pour quelques jolis seconds rôles (Don Jon, The Spectacular Now), mais surtout connue pour sa prestation dans United States of Tara.
Un film qui pêche donc par sa naïveté, mais qui révèle un certain talent de direction d’acteurs. On attend donc avec impatience de voir ce que Destin Cretton fera de Jennifer Lawrence, déjà désignée comme l’égérie de son second long-métrage.