J. Robert Oppenheimer, vu par Chrisyopher Nolan, cela ne pouvait être que du très lourd. La bombe de sa vie, l'atome de sa voie. D'emblée, le film agresse les yeux (montage épileptique et visions apocalyptiques) et les oreilles (musique tonitruante), sans compter les changements d'époque incessants. On a compris que le réalisateur montrait tout de suite les muscles et sa virtuosité, au service d'une entreprise conceptuelle qui ferait plier la biographie du patron du projet Manhattan à sa propre dialectique. Au fil des minutes, le portrait d'Oppenheimer, fort heureusement, s'affine et s'enrichit, ni charge ni hagiographie, mais faisant ressentir l'ambigüité du personnage, dans une égale représentation humaine du bien et du mal, avec l'ouverture de la boîte de Pandore, en point d'orgue explosif de son existence. Si le cheminement vers la bombe, dans l'isolement du Nouveau-Mexique, est montrée avec un souci didactique louable, cette folle aventure est cependant bien connue et se révèle moins passionnante que la période des années 50 et le procès qui ne dit pas son nom, à l'égard de "Oppie", en plein maccarthysme. Sans atteindre les sommets espérés (certes, le suspense ne pouvait être un moteur), le film montre à quel point, et il est l'un des seuls au monde à y parvenir, Nolan est capable de marier la puissance d'un blockbuster, à la touche personnelle de l'auteur, quoique sa tendance à un certain maniérisme douche un peu l'enthousiasme. Émacié, Cillian Murphy compose à la perfection un héros insaisissable, entouré d'une galerie d'acteurs performants, parmi lesquels, malgré la moindre importance de leurs rôle respectifs, il convient de ne surtout pas oublier Florence Pugh et Emily Blunt.