Adaptation française (après entre autres celles des allemands, italiens et américains) de la série espagnole du même nom, "Les bracelets rouges" est la nouvelle série phare de TF1. J’ignore ce que vaut la version ibérique (l'originale), mais nous tenons là une bonne série française, loin, très loin des séries policières américaines qui ont envahi notre petit écran. Cependant on pourrait se dire « encore une série hospitalière », mais le fait est que c’est assez éloigné de "Urgences" ou de "Grey’s anatomy". Le fait est qu’en France, on sait parler du handicap et/ou de la maladie. La démonstration a été donnée à maintes reprises par l’intermédiaire de "De toutes nos forces", "Intouchables" et plus récemment "Patients". Il est clair que "Les bracelets rouges" fait penser fortement à "Patients". On pourrait même mettre les deux œuvres l’une à côté de l’autre, de la même façon que les services se côtoient en voisinage immédiat au sein d’un établissement hospitalier. Le rapprochement entre les deux œuvres est possible grâce à l’immersion au sein d’un service bien spécifique, avec un point de vue donné principalement depuis les patients, sans oublier celui des familles. C’est ainsi que le service des enfants du centre hospitalier d’Arcachon ouvre ses portes aux spectateurs pour suivre les nouveaux pensionnaires venus affronter leur épreuve. Leur pathologie n’étant pas la moindre, ils sont là pour un certain temps et ne tardent pas à s’accommoder tant bien que mal de ce nouvel environnement. Mais les « anciens » sont là et les aident à se faire à leur nouveau cadre, trop heureux de voir de nouvelles têtes, qui plus est de leur âge. Et avec le concours du personnel, ce lieu peu attractif va se transformer peu à peu en école de vie. Autant pour les jeunes patients que pour les parents. L’accent est mis sur les jeunes : Clément (Tom Rivoire) déborde de joie de vivre et parle comme un moulin à paroles ; Roxane (Louna Espinosa) est effacée et introvertie ; Sarah (Esther Valding) est une vraie peste remplie de colère qu’elle manifeste par un manque total de respect au prix de sarcasmes particulièrement choquants ; Medhi (Azize Diabate Abdoulaye) est un insouciant qui n’accepte aucune forme d’autorité ; et puis Thomas (Audran Cattin) est quelqu’un de plus posé mais qui a du mal à accepter sa nouvelle condition, il est vrai peu aidé par les esquives éhontées de son père. Que des caractères différents. Très différents. Malgré cela, ils vont former le club des bracelets rouges, sorte de confrérie dans laquelle on se promet soutien solidarité. Une fraternisation haute en couleurs du fait des différences de caractère. Si Medhi fait rire le spectateur à vouloir casser la gueule à tout le monde alors qu’il est pour ainsi dire plâtré de la tête aux pieds, Sarah l’énerve au plus haut point par son comportement aussi irrévérencieux que dédaigneux. Et encore, les qualificatifs sont faibles, parce que franchement… il y a des baffes qui se perdent !!! Elle a de la chance d’être de l’autre côté de l’écran, parce que je vous assure que ça vous chatouille tellement que l’envie vous démange de lui en décalquer une. Donc oui, l’interprétation de ces jeunes acteurs est juste, jusque dans les classiques maladresses d’adolescents. Ma mention spéciale ira quand même vers Esther Valding, parce que pousser le spectateur dans cette rage noire provoquée par le fait qu'elle envoie valdinguer (sans jeu de mots bien sûr) tout le monde les uns après les autres tout simplement parce qu’il n’y a que son intérêt qui compte, est en soi une performance, et c’est peut-être le rôle le plus difficile à jouer. Quoiqu’il en soit, elle est très convaincante, comme si c’était sa seconde nature. Un peu comme Azize Diabate Abdoulaye, tellement à l’aise qu’on pourrait croire que c’est véritablement son comportement au quotidien. Bon, j’espère pour lui que ce n’est pas le cas, hein. Mais réduire le casting à ces jeunes acteurs serait réducteur. Les adultes y vont eux aussi de leur talent. Je pense bien évidemment au personnel, absolument génial : le très attentionné kiné Victor (Vincent Deniard), l’infirmier roublard qu’est Lucien (Diouc Koma) dont on appréciera la façon dont il mate Sarah, sans oublier le médecin Catalan, interprété par Lionel Abelanski à qui le rôle va à merveille. Je pense aussi aux parents des enfants malades avec en tête de liste Gilbert, interprété par un Michaël Youn résolument touchant dans la peau de ce père qui lui va si bien. Parmi les personnages les plus attachants, Gilbert est suivi de près par Nathalie (Cécile Rebboah), la mère de Côme entièrement dévouée. Il y en a d’autres qui sont attachants, bien sûr, mais ils sont un peu moins marquants, tels que Patrick le papa de Clément (Guy Lecluyse) qui nous offre cependant une très bonne séquence de beuverie. A l’inverse, certains personnages, à défaut d’être attachants, marquent aussi les esprits. Le plus emblématique est Yves, interprété par un Pascal Elbé excellent dans le rôle du père de Thomas qui ne parvient pas à assumer le nouvel état de son fiston au point d’en faire un pauvre type. Et je ne parle même pas de l'entrée en scène percutante de Romain (Mathieu Madenian, visiblement très amusé par son rôle de tombeur). Je crois qu’on peut dire que nous avons là une radiographie à peu près complète de la société française. Au gré des événements, les mentalités évoluent et c’est en cela que l’hôpital n’est pas seulement un hôpital, mais aussi une école de la vie. Une constatation illustrée par la définition même de la vie au cours du dernier épisode de cette première saison. La réalisation est bonne. Elle ne s’enfonce pas dans le pathos, piège pourtant facile dans ce genre de sujet. Les moments graves n’ont pas été pour autant évités, mais il règne une atmosphère de bonne humeur et elle est si communicative qu’elle prend le dessus. Si la façon d’aborder le thème est très bon, la mise en œuvre laisse quand même à désirer : on circule librement dans cet établissement à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit (héliport, salle de réveil, salle de rééducation…), on y organise des soirées quand on veut, les couloirs sont souvent déserts de blouses blanches. Nous savons bien que les hôpitaux manquent de plus en plus de personnel, mais à ce point… Cela dit, si c’est une façon de dénoncer cette intolérable situation, alors pourquoi pas ? Il n’empêche qu’au cours de ces six épisodes, nous accompagnons avec beaucoup de compassion et de plaisir ces jeunes frappés par une terrible épreuve, ainsi que les familles qui les soutiennent tant bien que mal de près ou de loin, ces mêmes adultes qui doivent composer avec leurs obligations professionnelles et leurs aptitudes psychologiques. "Les bracelets rouges" est donc une très bonne série française certes perfectible dans sa mise en œuvre, mais qui n’a pas à rougir de la comparaison avec "Patients".